Contexte et objectifs de l’étude
La filière des fruits et légumes frais connaît une conjoncture économique volatile, amplifiée par des crises successives, dont celle du Covid-19. Celle-ci a mis en lumière un manque de données économiques précises pour suivre l’évolution de cette filière, notamment pour les entreprises opérant en BtoB (Business to Business). Ces maillons intermédiaires entre la production et la vente spécialisée jouent un rôle crucial dans la chaîne de valeur.
L’objectif principal de ce baromètre est de mieux comprendre les évolutions économiques et commerciales du secteur à travers un suivi mensuel de l’activité, basé sur des indicateurs clés tels que le chiffre d’affaires (CA), le volume des ventes, ainsi que des éléments relatifs à la rentabilité (marge brute, charges, capacité d’autofinancement). Cette étude permet ainsi de fournir aux entreprises des outils d’analyse et de suivi des performances, tout en renseignant les acteurs du secteur sur les tendances à venir.
Méthodologie
L’étude repose sur la collecte de données mensuelles de juillet 2023 à juin 2024 auprès d’un échantillon d’entreprises issues de trois segments principaux du commerce des fruits et légumes frais : les expéditeurs, les grossistes, et les détaillants spécialisés. Les données collectées comprennent des informations sur le chiffre d’affaires, les volumes de vente, les marges brutes, et d’autres indicateurs financiers comme la masse salariale, les charges externes, ou la capacité d’autofinancement.
En outre, chaque segment de la filière est analysé selon des critères spécifiques, comme le volume de tonnage pour les grossistes et expéditeurs, ou le nombre de tickets pour les détaillants spécialisés.
L’analyse est complétée par un examen annuel des comptes des entreprises afin d’évaluer leur rentabilité sur le long terme.
Principaux enseignements
- Commerce de gros :
- Tendance générale :
Le secteur des grossistes a traversé une année difficile avec une baisse continue des volumes de vente. Le chiffre d’affaires a progressé pendant six mois sur 12, mais une baisse marquée a été enregistrée dans les derniers mois de l’année 2023 et au début de 2024. Le volume des ventes a régressé de 2,9 % au total sur l’année. - Impact de la hausse des prix :
La principale cause de l’écart entre la progression du chiffre d’affaires et la baisse des volumes réside dans la hausse continue des prix des fruits et légumes. En effet, si les prix ont nettement augmenté, cela n’a pas compensé la baisse des volumes, ce qui a entraîné un recul modéré de la rentabilité. - Difficultés spécifiques :
En particulier, les grossistes à service complet (GASC), dont une grande partie de l’activité consiste à fournir la restauration, ont enregistré une baisse de leur activité pendant 11 mois sur 12, parfois avec des baisses à deux chiffres. Le recul de la consommation dans le secteur de la restauration et des services collectifs a fortement impacté ces entreprises. - Résultats financiers :
En 2023, le chiffre d’affaires a progressé, mais la rentabilité a diminué. La marge brute, traditionnellement autour de 20 % du CA, a été affectée par la hausse des charges externes et des frais de personnel. En dépit d’une légère progression de l’excédent brut d’exploitation (EBE), la capacité d’autofinancement a baissé.
- Tendance générale :
- Expéditeurs :
- Fluctuations trimestrielles :
Les expéditeurs ont également connu une année marquée par une grande irrégularité. Le chiffre d’affaires a progressé au cours de trois trimestres sur quatre, mais un recul significatif a eu lieu au deuxième trimestre 2024, en raison de mauvaises conditions climatiques. Cette baisse a particulièrement touché certaines espèces de fruits, ce qui a eu un impact direct sur les volumes et la rentabilité. - Comportement des prix et volumes :
Lorsque les prix étaient plus bas, les volumes ont augmenté, mais dès que les prix ont repris de l’ampleur, les volumes ont baissé. Cela confirme une dynamique classique du marché, où la demande est plus forte lorsque les prix sont attractifs. Les entreprises mixtes, qui diversifient leurs produits et services, ont enregistré de meilleurs résultats, en raison d’une moindre exposition aux risques climatiques et économiques spécifiques à certaines productions. - Résultats financiers :
En 2023, la croissance du chiffre d’affaires a été plus faible que l’année précédente, et la rentabilité a diminué. La marge brute, qui se situe généralement autour de 25 %, a progressé lentement, mais moins que les charges externes et les frais de personnel. La valeur ajoutée a baissé, ce qui a conduit à une réduction importante de l’excédent brut d’exploitation (EBE) et de la capacité d’autofinancement.
- Fluctuations trimestrielles :
- Détaillants spécialisés :
- Fluctuations du chiffre d’affaires et des volumes :
Le secteur du commerce de détail spécialisé a souffert tout au long de l’année, malgré quelques périodes de reprise. Le chiffre d’affaires a reculé de 1,2 % en 2023, moins que l’année précédente (-6,8 %), mais la tendance reste négative. La baisse du chiffre d’affaires est en grande partie liée à la hausse des prix, qui n’a pas suffi à compenser la baisse des volumes. - Consommation et fréquentation :
L’évolution de la fréquentation, mesurée par le nombre de tickets, est fortement corrélée à l’évolution du chiffre d’affaires, mais l’augmentation des prix a fait en sorte que la fréquence des achats n’a pas suivi. Les détaillants ont été confrontés à un environnement de consommation plus frileuse, marqué par une perte de pouvoir d’achat et un changement dans les habitudes de consommation des ménages. - Résultats financiers :
Les résultats financiers des détaillants spécialisés en fruits et légumes ont été particulièrement préoccupants. La rentabilité a fortement diminué, avec un recul de la marge brute et une augmentation des charges externes (logistique, achats de produits), qui ont miné la capacité d’autofinancement des entreprises. En seulement deux ans, la capacité d’autofinancement a chuté de 60 %.
- Fluctuations du chiffre d’affaires et des volumes :
Conclusion
Malgré quelques signes d’amélioration à la fin de 2023 et au début de 2024, la période analysée n’a pas été favorable pour les petites et moyennes entreprises (PME) et très petites entreprises (TPE) du secteur des fruits et légumes. La consommation alimentaire en baisse, couplée aux intempéries de 2024, a pesé lourdement sur l’activité des grossistes, expéditeurs et détaillants spécialisés.
Les périodes de reprise n’ont pas permis de compenser la dégradation des résultats, notamment en raison de la hausse continue des prix, qui a accentué la tension sur les marges et la rentabilité. En particulier, le deuxième trimestre 2024 a été particulièrement négatif pour l’ensemble de la filière, avec une baisse marquée du chiffre d’affaires et des volumes.
Les perspectives restent incertaines, bien qu’une reprise progressive soit possible. Les entreprises doivent continuer à s’adapter à un environnement économique difficile, marqué par une faible consommation, des coûts de production élevés et des aléas climatiques. Une attention particulière devra être portée à la gestion des coûts et à la diversification des produits pour mieux résister aux fluctuations du marché.
Source : AND International / Interfel / FranceAgriMer